En Bref

Selon l’article 104 de la Constitution fédérale, l’agriculture doit contribuer de manière substantielle à la sécurité de l’approvisionnement de la population, à la conservation des ressources naturelles, à l’entretien du paysage rural et à l’occupation décentralisée du territoire. L’agriculture suisse est multifonctionnelle, et les Verts souhaitent qu’il en soit ainsi à l’avenir. Sur un petit territoire comme celui de la Suisse, les personnes qui produisent, distribuent et consomment les denrées agricoles doivent veiller au maintien d’une agriculture diversifiée dont les parties fonctionnent en synergie. Ce qui implique :

 

1. Préserver les terres fertiles plutôt que bétonner les zones agricoles

D’un point de vue écologique, l’agriculture suisse doit assurer à la population un degré élevé d’auto-suffisance en ce qui concerne les aliments de base. L’étendue des zones agricoles ne doit pas diminuer. L’aménagement du territoire doit veiller à la densification des zones dévolues à l’habitat, aux activités industrielles et aux services.

À cette fin, les Verts exigent un gel des zones constructibles. Les terres arables ne doivent pas faire l’objet de spéculations. Un assouplissement du droit des constructions n’entre pas en ligne de compte. Pour les compensations écologiques, c’est la qualité (interconnexions, biodiversité) et non la quantité (surface) qui doit être déterminante. Il est absurde de sacrifier des terres cultivables à la production d’énergie, pour importer ensuite davantage de produits alimentaires et augmenter les émissions de CO2 dues aux transports.

Les Verts demandent un moratoire sur l’importation, la production et le subventionnement des agro-carburants. La production d’énergie indigène à partir de produits agricoles primaires doit être soumise à un bilan écologique global positif. Les installations industrielles nécessaires à la production d’énergie n’ont pas leur place dans les zones agricoles, tout comme les usines de traitement des produits agricoles non liées au site de culture.

2. Encourager la distribution de proximité plutôt que la mondialisation des marchés

Les Verts militent en faveur de réseaux de distribution régionaux fournissant des produits cultivés sur place. L’agriculture de proximité est synonyme de fraîcheur et de sécurité. Par le contact direct entre les personnes qui consomment et celles qui cultivent se tissent des liens de confiance. Le renforcement des structures régionales crée des emplois dans les industries de transformation comme la boucherie ou la minoterie.

En ce qui concerne la commercialisation au niveau régional, il faut garantir l’accès aux subventions agricoles à des formes d’agriculture participative, telles que les petites exploitations collectives, l’agriculture contractuelle et les exploitations qui emploient des jeunes et des personnes au chômage. La distribution à l’échelle régionale et locale contribue à la protection du climat, contrairement au commerce international.

Le prix des denrées alimentaires ne reflète pas suffisamment le coût des dommages à l’environnement causés par la production et le trans-port, mais également par l’utilisation de grandes quantités d’eau. Le prix des asperges du Chili, des fraises du Mexique et des pommes de terre d’Israël – tous végétaux qui poussent en Suisse – doit intégrer l’impact climatique. Les Verts exigent donc une taxe CO2 sur l’énergie grise. Les accords de libre-échange qui vont à l’encontre de ces objectifs doivent être refusés.

3. Des aliments sains plutôt que des hormones et des pesticides

Les aliments sont produits en harmonie avec la nature. Il faut drastiquement réduire la quantité d’intrants chimiques mis en œuvre par l’agriculture industrielle, tels qu’engrais de synthèse, pesticides, antibiotiques. Les Verts exigent que les paiements directs soient davantage liés à des garanties écologiques.

Les coûts sociaux et environnementaux doivent être répercutés sur les prix des denrées alimentaires. Une taxe incitative semble être le meilleur outil pour réduire drastiquement l’usage des engrais synthétiques, des pesticides et des antibiotiques.

En accord avec la vision «Suisse, pays bio» de Biosuisse, les Verts militent pour que l’ensemble de la production agricole du pays puisse être certifiée bio. La surface des terres cultivées par des méthodes biologiques doit avoir au minimum doublé d’ici à 2015 et le refus des manipulations génétiques être inscrit dans la loi.

4. Un élevage respectueux des espèces plutôt que des fabriques de viande industrielles

Les Verts sont d‘avis que les pratiques d’élevage doivent respecter les besoins propres aux différentes espèces d’animaux et s‘inspirer pour cela de leurs conditions de vie naturelles. Les animaux élevés de cette manière ont plus de vitalité, ils sont en meilleure santé et résistent mieux au stress.

Une exploitation animale respectueuse des espèces et soucieuse de leurs conditions de vie naturelles présuppose l’élevage de races n’ayant pas subi de modifications génétiques. Le bien-être des animaux profite autant à ceux qui les élèvent qu’à ceux qui les consomment. La qualité des produits animaux s’améliore, tout comme leur image.

La loi sur l’agriculture suisse fixe une limite supérieur à la taille des cheptels et les paiements directs font dépendre le nombre de têtes de bétail de la surface de l’exploitation. Les Verts s’opposent à la suppression des réglementations qui empêchent que l’élevage ne prennent des proportions industrielles. La limitation des cheptels doit être encore abaissée dans les régions où les nappes phréatiques sont polluées par les engrais. Il faut éviter toute incitation à l’intensification de l’élevage. En revanche, l’élevage biologique a un urgent besoin de soutien.

5. La biodiversité plutôt que le désert agricole

La pratique d‘une agriculture intensive met en danger la diversité des espèces de plan-tes et d’animaux. Il faut continuer à encourager les prestations écologiques de l’agriculture. Les Verts demandent que des mesures incitatives soient développées pour rendre la préservation de la biodiversité et du paysage financièrement plus intéressante.

Dans les régions présentant un intérêt particulier du point de vue du milieu naturel et de la biodiversité, les paiements directs doivent être liés à des objectifs clairement dé-finis en matière de protection des biotopes, des espèces et des paysages. Il faut continuer à augmenter la proportion d’espaces écologiques de haute qualité et développer leurs interconnexions ; la valeur écologique des cours d’eau et des zones protégées doit être préservée grâce à des zones-tampons.

Il faut mieux rémunérer l’entretien et la mise en réseau des lisières de forêts, des arbres en plein champ, des haies et des vergers à hautes tiges, exploités de manière extensive et très riches en espèces, tout comme les berges des cours d’eau laissées dans un état proche de la nature, les étangs et les petites structures.

6. Des variétés multiples plutôt que l’uniformisation

Le grand nombre de variétés cultivées constitue une richesse pour la Suisse. Des variétés indigènes robustes sont sources de revenus réguliers. Il est très important de préserver et de cultiver les races d’animaux et les variétés de plantes adaptées à nos terroirs.

Les Verts exigent que les races et les variétés existantes soient conservées sous une forme vivante, et non pas seulement dans des banques de semences. Toutes les personnes qui les sélectionnent et les cultivent doivent y avoir accès. Il faut interdire les semences génétiquement modifiées.

Les Verts rejettent par principe le brevetage et toute forme de restrictions limitant ou empêchant l’accès aux semences et aux animaux d’élevage. La sélection et la multiplication de semences biologiques offre de belles perspectives économiques et doit être encouragée.

Suite à la mondialisation des marchés agricoles et à au monopole des géants de l‘agro-alimentaire, la diversité des variétés cultivées recule partout dans le monde. La sélection des semences est dominée par les intérêts économiques de l’exploitation commerciale. Les Verts ont à cœur que les dispositions qui doivent permettre de contrôler l‘offre et d’assurer la qualité n’empêchent pas de préserver et de stimuler la diversité. Le commerce des variétés indigènes ne doit pas être entravé! La Suisse doit garder une législation libérale en matière de protection des variétés. Elle garantit le libre choix tant des personnes qui cultivent que de celles qui consomment.

7. Economiser les ressources plutôt que gaspiller l’énergie et polluer l’eau

Le sol, l’air et l’eau sont les matières premières à partir desquelles est produite la nourriture. Les polluer ou les détruire signifie menacer la vie même. Pour les Verts, la tâche principale de l’agriculteur est de produire des aliments de la manière la moins nocive possible pour l’environnement.

Il faut de toute urgence remédier aux dommages infligés au milieu naturel – infiltrations d‘ammoniaque, acidification du sol, pollution des nappes phréatiques, compactage et érosion du sol – et faire respecter les valeurs-limites pour les émissions de substances polluantes. Les Verts réclament la mise en œuvre de l’efficacité énergétique dans l’agriculture. Les distances parcourues doivent être optimisées. Il faut réduire la consommation d’énergie et l’émission de substances polluantes.

8. La transparence plutôt que l’ignorance

Les enquêtes auprès des consommatrices et consommateurs montrent que ceux-ci attachent une grande importance à l’origine et au mode de production des aliments. Les œufs provenant d’élevages respectueux des animaux se vendent ainsi bien mieux que les œufs de poules en batteries, malgré la différence de prix. Les déclarations de provenance permettent la transparence et offrent aux productrices et producteurs soucieux de qualité la possibilité de se profiler.

Les Verts plaident donc pour une réglementation cohérente en matière de déclarations sur les emballages et les menus des restaurants. Cette exigence doit à plus forte raison s’appliquer à l‘énergie grises et aux produits d’origine animale importés de pays où des formes d’élevage interdites en Suisse sont autorisées, par exemple les œufs de poules en cage entrant dans la composition de produits transformés.

9. Le juste prix plutôt qu’un dumping qualitatif

Dans de nombreux pays industrialisés, les prix payés pour les denrées alimentaires n’ont plus aucun rapport avec la véritable valeur des produits nécessaires à la vie. La pression sur les prix entraîne une diminution de la qualité, elle encourage le recours aux pesticides et les pratiques d’élevage cruelles envers les animaux, et se solde par une détérioration de l’environnement et une mise en danger de la santé des consommatrices et consommateurs.

De nombreuses familles paysannes sont menacées de faillite. Les Verts militent pour que les paysans et paysannes produisant des produits sains soient rémunérés de manière équitable, et encouragés à poursuivre dans cette voie. Les Verts sont convaincus que les coûts sociaux et environnementaux doivent être répercutés sur les prix des denrées alimentaires.

Conjointement aux recettes de la production agricole, les paiements directs doivent assurer un revenu équitable aux personnes qui travaillent la terre. Les paiements directs garantissent que les paysans et paysannes soient dédommagés pour leur service à la société et que les deniers publics ne servent pas à engraisser l’agro-industrie. La publication des données concernant les exploitations qui touchent des paiements directs doit être régie par une loi.

La protection de la nature et du paysage comporte de nombreuses tâches requérant un travail intensif impossible à mécaniser. C’est le cas pour l’entretien des vergers à hautes tiges, des prairies en pentes ou des haies. Les prestations profitant à l’ensemble de la collectivité comme la protection de la nature et l’entretien du paysage doivent être payées par tous. Les paiements directs doivent davantage les honorer, au lieu de se concentrer unilatéralement sur l’exploitation des surfaces agricoles.

10. Le commerce équitable plutôt que le libre-échange

Le commerce des produits agricoles tels que les fruits exotiques, le café, le cacao, le sucre et les graisses végétales doit être soumis à quelques règles de base : il ne doit pas restreindre la souveraineté alimentaire, il doit soutenir le commerce équitable et des conditions de production respectueuses de l’environnement, et ne pas faire concurrence à la production saisonnière locale.

Les produits importés doivent répondre aux normes suisses concernant la qualité, les conditions de production et la protection des animaux. L’énergie grise consommée par le transport doit être répercutée sur le prix d’achat.

Les subventions à l’exportation pour certains produits opèrent une distorsion des marchés et doivent être abolies à l’échelle mondiale. Les aliments importés qui ne correspondent pas à nos standards de qualité et nos conditions de productions doivent être soumis à des droits de douane ou à des taxes incitatives.

Les denrées produites dans des conditions ne respectant pas la dignité humaine ne doivent par principe pas être importées.Pour assurer un équilibre entre les intérêts économiques, la conservation des ressources naturelles et des conditions de travail dignes, l’ONU est mieux habilitée que l’OMC. Le dossier de l’agriculture doit donc être transféré de l’OMC au FAO.

11. Moins de viande plutôt que le dérèglement climatique et la faim

La production de viande est responsable de près de 17% des émissions de gaz à effet de serre (rejets de méthane, fertilisants, défrichages par le feu). Elle nécessite de grandes quantités d’eau et de terres arables, ce qui provoque famines et sécheresses, en particulier dans les pays du Sud, où de vastes surfaces sont consacrées à la culture d’aliments destinés à engraisser le bétail.

Pour résoudre ces problèmes, il ne suffit pas de nourrir les animaux avec du fourrage biologique et d’instaurer des pratiques d’élevage respectueuses des espèces. La consommation de viande et d’autres produits animaux doit diminuer de toute urgence.

12. Formation professionnelle, perfectionnement et recherche plutôt que démantèlement

Malgré des mutations structurelles et des perspectives d’avenir incertaines, la formation au métier d’agricultrice ou d’agriculteur continue à attirer les jeunes. Les Verts demandent à la Confédération de faire en sorte que la protection du climat et de la nature (promotion de la biodiversité) soient prises en compte dans le cursus.

Outre la formation professionnelle classique, des formations de base et des cours de perfectionnement de haut niveau doivent être offerts dans le domaine de l’agriculture biologique et de la maintenance des écosystèmes.

La Confédération consacre chaque année plus de 70 millions de francs aux instituts de recherche agricole, dans le cadre des programmes de recherche de l’administration fédérale. Les recherches menées dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation doivent s’appliquer de manière conséquente à relever les défis que représentent actuellement l’efficacité énergétique, la protection de la nature et de la biodiversité et le dé-règlement climatique.

Il faut intensifier la recherche sur les écosystèmes constitutifs du paysage et y intégrer les acteurs (agricultrices et agriculteurs, société). Les Verts exigent qu’au moins la moitié du budget de la recherche soit alloué à des travaux de recherche interdisciplinaires et participatifs sur l’agriculture biologique.

13. Reconnaissance des prestations culturelles et sociales plutôt que destruction de valeurs

Les paysannes et paysanne fournissent des prestations importantes pour la société dans le domaine de l’éducation, de la culture et des conditions sociales, par exemple: préservation de variétés, de races et de savoir-faire uniques, produits et filières de production reflétant l’histoire d’un lieu ou d’une région, travail à dimension humaine faisant prendre conscience qu’une collaboration solidaire est nécessaire.

La politique agricole se fixe au contraire sur des exigences de taille et de rentabilité. La mécanisation aveugle détruit les valeurs et le patrimoine.« Il faut encourager les exploitations agricoles qui incitent le public à mieux comprendre leur rôle social, tout en les sensibilisant à la provenance des aliments et à l’histoire du métier de la terre et des méthodes de production. Les enfants en âge scolaire doivent pourvoir faire des expériences pratiques dans des exploitations agricoles adaptées à cette fin.