20 ans plus tard – les jeunes générations connaissent-elles encore Tchernobyl ? – l’actualité montre que le risque est grand de commettre un véritable crime d’amnésie. En effet, la combinaison de plusieurs facteurs fait que la politique énergétique de la Suisse se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins.

Il y a d’abord le constat – malheureusement – que les besoins énergétiques des suisses sont en constante augmentation, de 1 à 2 % par an. Il y a en second lieu l’arrêt programmé de trois centrales nucléaires, Mühleberg, Beznau I et II.

Il y a enfin la « soudaine » prise de conscience que l’ère du pétrole touche à sa fin et qu’il s’agit de trouver de nouvelles alternatives. La soudaineté de cette prise de conscience ne peut que surprendre lorsque l’on sait qu’en matière énergétique la réflexion porte inévitablement sur des dizaines et des dizaines d’années. Le constat est cependant là : le pétrole, c’est bientôt terminé et il faudra bien trouver des solutions de remplacement. Et pour corser le tout, comme si tout cela n’était pas assez compliqué, il faut tenir compte du facteur climatique dont les répercussions négatives ne cessent d’inquiéter : en signant le protocole de Kyoto, la Suisse – avec beaucoup d’autres pays – s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport à 1990. Or, entre 1990 et 2000 les émissions de CO2 n’ont diminué que de 0.7%. Dans le domaine des transports, elles ont même augmenté de 8.1% !

Tout le problème se trouve concentré dans cette équation : comment répondre aux besoins croissants d’énergie de la population suisse tout en diminuant nos émissions de CO2 ? Le défi à relever – technologique et financier – est gigantesque.

Aujourd’hui, sous le prétexte de la neutralité du nucléaire en termes de CO2, les barons suisses du nucléaire relancent le débat de la construction d’une nouvelle centrale. Cette perspective doit être prises très au sérieux, même si – tous les sondages le montrent – les suisses ne veulent pas de la construction d’une telle centrale. En effet, le risque est grand que, mise au pied du mur, la Suisse se résolve finalement à opter pour la construction d’une nouvelle centrale nucléaire. Alors, en cet anniversaire funeste – les 20 ans de l’accident de Tchernobyl – permettez-moi d’avoir une pensée émue pour les populations ukrainienne, biélorusse et russe qui souffrent aujourd’hui encore et pour longtemps. 400 000 personnes déplacées et relogées, plusieurs dizaines de milliers de morts, un taux de cancer élevé et des terres condamnées pour très longtemps.

Est-ce ce risque que les Suisses veulent prendre ?

Jean-Pascal Fournier, Conseiller communal, Sion