5224 km2, voilà le territoire du Valais. 152 km2, c’est la surface dite de zone à bâtir. Soit à peine 2,91% du canton! Le mensonge de l’initiative Weber tient tout entier dans ces chiffres aussi officiels qu’indiscutables.

Traiter Weber de menteur et en même temps calculer le pourcentage des zones à bâtir en prenant en compte dans l’équation tout le territoire jusqu’à la pointe du Mont-Rose, il fallait oser!!! C’est vrai qu’avec le réchauffement climatique on pourra bientôt habiter à 3000 ou 4000 mètres d’altitude… Plus de la moitié de la surface du Valais est en zone improductive (très exactement 279,5 km2 selon la brochure « Le Valais en chiffres« ), à quoi on peut ajouter 125,2 km2 de forêt et 99,2 km2 de surface agricole utile.

Si l’on veut avoir une idée du mitage du territoire en Valais, en montagne comme en plaine, il faut prendre des communes qui n’ont pas de territoire au-dessus de 1600-1700 mètres. Merci au NF de nous donner en p. 3 le tableau des pourcentages des zones à bâtir de toute les communes valaisannes. Très instructif si on prend la peine de les regarder dans le détail (et là je ne remercie plus le NF).

Bagnes ou Zermatt, qui ont d’immenses territoires improductifs en haute montagne, ne comptent respectivement que 1.4 et 0.58% de leur territoire en zone à bâtir. Mais Chermignon ou Montana, dont le territoire s’étend pratiquement de la plaine jusqu’à 1500-1600m ont déjà des pourcentages bien plus élevés, respectivement 30.05 et 20.87%. Et quelle est la commune valaisanne qui échoue de justesse pour 0.25% à être sur la première marche du podium: Veysonnaz avec 37.68% de son territoire en zone à bâtir…

Le Conseiller d’Etat Maurice Tornay affirme que 4000 emplois et 20 millions de rentrées fiscales seront perdus pour le Valais si l’initiative passe?

Peut-on avoir l’étude qui est arrivée à ce résultat? Aucun doute qu’à court terme il y aura effectivement des postes qui disparaitront mais est-ce un chiffre autant élevé? N’est-ce pas contradictoire de dire que le problème des R2 est bien maîtrisé (cf. point suivant) et en même temps affirmer que 4000 emplois dépendent exclusivement de la construction de nouvelles R2?

Surtout on oublie que ce coup de frein sera bénéfique à terme pour l’économie touristique valaisanne car avec des lits chauds les stations vivront mieux qu’en continuant à construire des lits froids. J’invite M. Tornay à lire à ce sujet le rapport commandé par le Conseil fédéral sur les effets de l’initiative Weber.

Voici un passage déjà cité dans mon billet 1dex du 25 janvier: « L’avenir des régions très touristiques ne risque pas d’être mis en danger à long terme par un plafonnement des résidences secondaires. Les régions touristiques devront certes s’attendre à court terme à des inconvénients économiques, mais la limitation de la construction des résidences secondaires devrait avoir des conséquences positives à long terme. »

Les autorités sont conscientes du problème et ont déjà pris des mesures: voilà le message asséné. En p. 8 l’exemple de Crans-Montana est présenté. Oui il est vrai que les communes du Haut-Plateau ont été les premières dans la partie francophone à prendre des mesures mais celles-ci sont-elles suffisantes? En particulier autoriser 8000m2 par an de surface de résidences secondaires (R2), est-ce vraiment mettre un frein (ça fait quand même 80 R2 à 100m2 ou 53 R2 à 150m2 par an…)?

Affirmer comme le président de Lens David Bagnoud que pour 2012 il y a pour 200 millions de francs de demandes de construction, n’est-ce pas la preuve que la réglementation en vigueur est insuffisante et que la fuite en avant se poursuit?

« Comment descendre de 66% à 20%? En transformant les résidences secondaires en résidences principales? »

C’est l’interrogation du président de Montana Francis Tapparel au cas où l’initiative passerait. Je peux le rassurer: non parce que l’initiative ne passera pas, mais parce que l’initiative concerne les nouvelles R2, les anciennes ne sont pas concernées (cf. point suivant).

Tiens p. 24 un petit entrefilet, qui a certainement dû échapper à la censure des rédacteurs en chef (c’est quand même le seul endroit où la parole est donnée aux partisans de l’initiative alors que près de 5 pages de l’édition sont accordées aux opposants…), pour expliquer qu’Helvetia Nostra précise « qu’une R2 existante reste une R2 et peut toujours être revendue comme telle. »

Les mayens: Christophe Darbellay en appelle à un symbole de l’identité valaisanne pour refuser l’initiative Weber. On ne pourra plus les rénover! Argument non valable, les mayens sont des constructions existantes, se rapporter aux deux points précédents.

Le même Christophe Darbellay fait référence à la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) qui selon lui permettra de remédier à certains problèmes liés à une trop grande proportion de R2. Voici le texte de la révision adoptée par le Parlement et entrée en vigueur au 1er juillet 2011:

I La loi du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire est modifiée comme suit:

Art. 8, titre, al. 2 et 3

Contenu minimal des plans directeurs

2 Ils désignent les territoires où des mesures particulières doivent être prises en vue de maintenir une proportion équilibrée de résidences principales et de résidences secondaires.

3 Les mesures à prendre visent notamment les buts suivants: a. limiter le nombre de nouvelles résidences secondaires; b. promouvoir l’hôtellerie et les résidences principales à des prix abordables; c. améliorer le taux d’occupation des résidences secondaires.

II Dispositions transitoires de la modification du 17 décembre 2010

1 Les cantons concernés adaptent leur plan directeur aux exigences de la présente loi dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification et veillent, le cas échéant, à ce que les communes concernées prennent les mesures nécessaires dans le même délai, notamment par la fixation de contingents annuels ou d’un taux de résidences principales, par la délimitation de zones d’affectation spéciale ou par le prélèvement de taxes d’incitation.

2 A l’expiration de ce délai, aucune nouvelle résidence secondaire ne sera autorisée tant que les cantons et les communes n’auront pas pris les dispositions nécessaires.

Je n’ai aucun doute sur le fait que d’ici le 1er juillet 2014 le canton du Valais aura défini « les territoires où des mesures particulières doivent être prises ». Je ne doute pas non plus que les communes concernées auront pris les « mesures nécessaires ». Mais la révision de la LAT ne pose aucune exigence chiffrée, aucune limite quantifiée concernant ces mesures. Je crains que les contingents qui seront définis ne représenteront que la moyenne de ce qui s’est construit les 5 ou 10 dernières années (cf. le témoignage d’Urbain Gaillard à la suite de mon billet du 25 janvier, commentaire du 5 février à 23h04).

Ma conclusion. Si l’initiative passe, on devra enfin vraiment se poser les bonnes questions: comment créer des lits chauds (à ce titre je rappelle que l’initiative n’interdit pas la construction de R2 si les propriétaires s’engagent contractuellement à mettre celles-ci en location) et comment réchauffer les lits froids existants?

L’initiative est sévère, certainement pas idéale du point de vue « technique », mais je ne crois plus en la capacité ou la volonté des autorités communales et cantonales de véritablement empoigner le problème. Trop d’enjeux financiers à court terme, trop de liens étroits, familiaux ou autres, avec les milieux immobiliers, les propriétaires fonciers, les entrepreneurs, etc.

Qu’on me comprenne bien: je ne jette pas la pierre aux élu-e-s communaux, je constate juste qu’il est très difficile de prendre des mesures dans un tel contexte ou les liens de proximité sont forts et où tous les élu-e-s ont dans leur entourage des personnes qui dépendent du secteur de la construction et qui de ce fait pourraient pâtir à court terme d’un arrêt de la construction des R2.

Et surtout j’aimerais que nos enfants puissent avoir un outil de production « station » performant, pas des milliers de lits froids qui ne permettent pas de faire vivre les commerces et les remontées mécaniques tout en mitant le paysage et en se révélant à terme un gouffre financier pour les collectivités locales (entretien des réseaux d’assainissement urbain, des routes, déneigement, système de transport public, etc., etc.).

Et pour terminer je rassure Stéphane Riand: je ne serai pas le seul Valaisan qui osera dire « oui » à l’initiative « Pour en finir avec les constructions envahissantes des R2″. On sera des dizaines de milliers…