Par Telma Hutin Conseillère communale

L’achat de produits bon marché à l’étranger a souvent une face cachée. Des ballons de football aux bordures de trottoir en passant par les habits de travail, le matériel informatique, beaucoup d’entre eux ont été fabriqués dans des conditions inhumaines : salaire de misère, semaine de 70 heures, graves, dangers pour la santé, travail des enfants, etc.

Utiliser les deniers publics pour réaliser des achats dont le personnel de la municipalité a besoin pour son quotidien, c’est une des tâches de notre municipalité. En tant que consommatrices d’une certaine taille, les collectivités publiques peuvent contribuer à un monde plus juste. Les communes et les cantons ont donc une responsabilité particulière de gérer ses acquisitions de façon équitable et responsable. Ils peuvent exiger des fabricants qu’ils prouvent que les biens et services qu’ils fournissent ont été produits dans des conditions équitables. S’assurer que les ouvriers et ouvrières ne soient pas exploité-e-s lors de la fabrication des produits achetés.

Le respect de ces droits fondamentaux devrait être une évidence dans le monde entier. « Il n’est pas normal que nos impôts fassent prospérer des fabricants qui bafouent les droits humains et exploitent leurs employé-e-s ». C’est du reste l’objet d’une campagne de sensibilisation lancée auprès des communes par l’oeuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO). Les arguments mis en avant sur ce thème sont inclus en annexe.

Des produits équitables ne seront offerts en abondance sur le marché que lorsqu’une demande pour de tels produits existera. Un contrôle est possible : pour beaucoup de produits, il existe des labels et des certifications fiables.

Cadre Légal

En ce qui concerne les fondements juridiques des marchés publics, on établit une distinction entre lesobligations internationales de la Suisse et la législation nationale.

1) Accords internationaux

La Suisse est soumise à l’Accord sur les marchés publics (AMP) du 14 avril 1994 de l’OMC, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1996. Cet accord a été signé par 39 pays dont la Suisse. Les principes fondamentaux de cet accord sont l’égalité de traitement et la non-discrimination entre les soumissionnaires de différents pays.

2) Accords Suisse-UE

Dans le cadre des Accords bilatéraux I, la Suisse a conclu avec l’UE un accord sur certains aspects des marchés publics (signature le 21 juin 1999, entrée en vigueur en 2002). Cet accord bilatéral soumet également aux règles de l’OMC les communes et les districts, ainsi que certaines entreprises qui n’étaient jusqu’à présent pas concernées par l’AMP.

La commission marchés publics Confédération/cantons (CMCC), composée paritairement de représentant-e-s de la Confédération et des cantons, est chargée de contrôler si la Suisse remplit ses obligations internationales en matière de marchés publics.

3) Article 2 de la Constitution Fédérale

Acheter équitable n’est pas une tâche volontaire : l’article 2 de la Constitution définit le développement durable comme un objectif de l’État, et les achats publics durables sont mentionnés explicitement dans le sous-objectif 12.7 de l’Agenda de l’Organisation des Nations Unies 2030 auquel la Suisse a adhéré.

La Confédération reconnaît aussi dans sa « stratégie pour le développement durable » la mise en oeuvre de l’Agenda 2030 et le rôle de modèle qu’elle souhaite assumer en matière de pratique de consommation. Dans le sens d’un développement durable, mais aussi dans le sens d’une politique cohérente, la manière dont la Suisse gère sa consommation joue ainsi un rôle décisif.

4) Loi fédérale sur les marches publics (LMP) du 16 décembre 1994 (État le 1er janvier 2019)

L’article 8 est particulièrement important pour intégrer dans les procédures d’adjudication les dimensions sociales et du développement durable. « Pour les prestations fournies en Suisse, (l’adjudicateur) n’adjuge le marché qu’à soumissionnaire observant les dispositions relatives à la protection des travailleurs et les conditions de travail. Les prescriptions en vigueur au lieu où la prestation fournie sont déterminantes » Il n’adjuge le marché qu’à un soumissionnaire garantissant à ses salariés l’égalité de traitement entre femmes et hommes, sur le plan salarial, pour les prestations fournies en Suisse (…)

L’adjudicateur est en droit de contrôler ou de faire contrôler l’observation des dispositions relatives à la protection des travailleurs, aux conditions de travail d’égalité de traitement entre femmes et hommes. Sur demande, le soumissionnaire doit apporter la preuve qu’il les a respectées.

Dans son rapport du contrôles effectués (2013, 2014, 2015) Le Département de l’économie, de l’énergie et du territoire du Canton de Valais qui avait pour but de documenter le niveau de l’application de la législation sur les marchés publics dans les communes valaisannes Il a été documenté que les communes n’ont pas pu prouver qu’elles mènent les procédures d’adjudication conforme et les dispositions légales sur l’autocontrôle n’ont pas été respectées. Dans ce rapport, seulement 8 communes du Bas-Valais ont été contrôlées. Dans une prochaine étape, le canton interviendra auprès des communes bas-valaisannes qui n’ont pas encore été contrôlées et dans un deuxième contrôle toutes les communes Valaisannes ayant déjà été contrôlées. Par cette interpellation, nous demandons à la Municipalité de St-Maurice de bien vouloir répondre aux questions suivantes :

1. La Commune de St-Maurice, règle-t-elle contractuellement avec les entreprises, fournisseurs et prestataires de services, le respect des dispositions des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ? Si non, est-elle prête à le faire à l’avenir ?

2. La Municipalité de St-Maurice, est-elle prête à sensibiliser et à informer l’ensemble de son administration, en particulier les secteurs actifs dans les marchés publics, sur les possibilités existantes de faire des acquisitions qui soient durables sur les plans sociaux et écologiques, et à informer la population sur les mesures décidées et mises en oeuvre ?

3. La Municipalité est-elle prête à favoriser les achats de produits issus du commerce équitable pournotre commune, comme :

• Ordinateurs et matériel informatique • Uniformes (police, pompiers, voirie, etc)

• Mobilier de bureau en bois certifié • Équipements sportifs pour les écoles

• Papier recyclé et articles de papeterie • Etc.

Les trois premiers points, dans un premier temps pour être en conformité avec la loi, et le prouver lors d’un éventuel control par le Département de l’économie, de l’énergie et du territoire du Canton de Valais.

Dans un deuxième temps :

4. Envisager la mise en place une charte qui évoque l’idée d’un texte intégrant les préoccupations décrites précédemment, tout en tenant compte des réalités sociales et économiques qui rythment les activités de notre administration communale. Ainsi, elle montrerait à travers sa politique son engagement vers le développement durable. La commune peut s’aider du guide des communes et des cantons : « L’achat public équitable » édité par OSEO qui inclut :

Une check-list à l’usage des communes et des cantons pour les biens et services à acquérir auprès d’une entreprise étrangère.

Déclaration relative au respect des conventions fondamentales de l’OIT (déclaration spontanée).

5. La Municipalité pourrait développement un réseau avec les adjudicateurs * qui sont sur la commune :

Foyer la Fontanelle, Mex Association intercommunale Step de Lavey-Morcles, St-Maurice

Foyer St-Jacques, St-Maurice Triage forestier St-Maurice et environs, St-Maurice

Centre médico-social subrégional St-Maurice Distributeurs d’électricité

D’avance, je remercie le Conseil Communal pour ses réponses.

Telma Hutin

Conseillère General ADG

* Sont considérées comme entités adjudicatrices au sens de l’art. 6 de la loi concernant l’adhésion du canton du Valais à l’accord inter cantonal sur les marchés publics du 8 mai 2003 (LcAIMP) les organismes et les entreprises suivants, quelle que soit leur forme juridique :

Références

www.admin.ch (Loi fédérale sur les marches publics)

www.befair.be (les pouvoirs publics jouent la carte du commerce équitable)

www.publiceye.ch (une loi pour la durabilité et la qualité des achats publics)

www.publiceye.ch (achats public prise de position)

www.solidar.ch/ (résolution pour les achats publiques équitables)

https://www.val-de-travers.ch/sites/default/files/2018-06/100426-cg10bb-achatpublicequitable.pdf

L’ ACHAT PUBLIC EQUITABLE Guide à l’usage des communes et des cantons

www.vs.ch (liste des adjudicateurs sur la commune de St-Maurice)

www.vs.ch (rapport à l’intention du Conseil d’état

Annexe

Arguments de la campagne de sensibilisation lancée par l’oeuvre suisse d’entraide ouvrière

(OSEO).

1. Les producteurs et productrices doivent recevoir un salaire équitable. Cela contribue à diminuer la pauvreté.

2. La concurrence doit porter sur la qualité, l’efficience et les prestations, et non sur le dumping social et la violation des droits humains.

3. Les entreprises suisses doivent respecter certaines obligations en matière de droit du travail, et devraient être signataires de conventions collectives de travail. Les pouvoirs publics ne doivent pas acquérir des produits meilleur marché à l’étranger, dans des pays où interviendraient des violations des droits humains et des normes du travail.

4. Les collectivités et pouvoirs publics dépensent chaque année 36 milliards de francs en commandes de toutes sortes. Ils disposent ainsi d’une position forte sur le marché, qu’ils peuvent utiliser pour encourager des achats équitables.

5. Il y a beaucoup à faire aux niveaux cantonal et communal. Sur le montant total des marchés publics, 19% du volume est généré par la Confédération, 38% par les cantons et 43% par les communes.

6. Une politique d’achats équitables n’est pas trop onéreuse. S’agissant de la plupart des produits, la différence de prix se monte à quelques pourcents. De plus, il est inconcevable que nous acceptions, pour des questions de prix, des conditions de travail inhumaines.

7. Le marché des produits équitables connait en Europe une croissance annuelle de 20%. De plus en plus de personnes veulent que les biens qu’elles achètent soient produits dans des conditions équitables et sont prêtes à payer un prix plus élevé.

8. Dans son rapport sur la « Stratégie 2002 pour le développement durable », le Conseil fédéral dit clairement que les biens et les services doivent satisfaire des critères économiques, environnementaux et sociaux élevés. Ces belles paroles doivent être traduites dans les faits.

9. Les pouvoirs publics peuvent sensibiliser l’opinion aux relations Nord-Sud, s’ils font savoir qu’une part croissante de leurs achats se feront selon des critères de durabilité sociale et écologique.

10. Le monde sera plus responsable, si la mondialisation s’envisage de manière sociale et si ses ressources limitées sont utilisées de manière durable et équitable. L’État, à tout niveau, peut et doit y contribuer.