Oui sur le principe mais un grand NON sur le deal proposé

Si les Verts souhaitent faire table rase des privilèges fiscaux cantonaux accordés aux holdings et multinationales étrangères et sont donc favorable sur le principe à un taux d’imposition similaire pour toutes les entreprises, ils sont cependant contre la création de nouveaux outils d’échappatoires fiscales et de traitements de faveur pour les grandes entreprises et les gros actionnaires. Ces avantages fiscaux péjoreront de manière importante les finances de la plupart des cantons et des communes. La population doit pouvoir bénéficier d’une réforme fiscale durable, équitable pour toutes et tous et ne pas subir un démantèlement du service public pour compenser les pertes fiscales du projet RFFA.

Réforme fiscale et financement AVS doivent être traités séparément

Le 19 mai, la population devra se prononcer sur cet ensemble hétéroclite. Elle ne pourra pas accepter les 2 milliards alloués à l’AVS et refuser le volet fiscal, ni l’inverse. On touche là aux limites de la règle de l’unité de la matière, qui dit que l’on ne soumet pas au peuple des projets mêlant deux sujets différents.

Le renflouement de l’AVS est nécessaire mais il ne peut être considéré comme une compensation dans la mesure où il n’est pas financé par ceux qui profiteront d’une baisse de l’imposition du bénéfice. La stabilisation à court terme de l’AVS ne doit pas être achetée par des réductions fiscales accordées aux multinationales et autres entreprises. Il est également important de relever que l’AVS n’est pas la seule à avoir besoin de fonds supplémentaires. Les cantons et les communes se retrouvent confrontés à de grands défis posés par le vieillissement croissant de leurs populations. Les services à domicile, les prestations complémentaires ou le financement des soins demanderont toujours plus de fonds cantonaux et communaux. Avec ou sans les 2 milliards supplémentaires une réforme de l’AVS reste indispensable pour assurer les rentes. La RFFA ne stabilisera que provisoirement l’AVS. Dès 2023 elle aura besoin davantage de moyens que prévus par la RFFA. Les Verts refusent donc de troquer les services publics pour une stabilisation à court terme du financement de l’AVS.

RFFA est largement un copier-coller de RI3

La réforme fiscale est largement un copier-coller du projet RI3 rejeté en votation populaire en février 2017. Seules quelques modifications mineures ont été apportées : la limite aux allègements cantonaux passe de 80% à 70%, l’augmentation de l’impôt fédéral sur le dividende se monte à 70% au lieu de 60%, les NID sont généralement supprimés.

Comme pour la RIE 3, il manque un contre-financement budgétisé des pertes fiscales attendues. En effet, le volet fiscal prévoit 2,1 milliards de pertes. 1 milliard sera couvert par une rétrocession de l’IFD, mais pour le 1,1 milliard restant est-ce que le citoyen-ne-s assisteront à un démantèlement du service public ou subiront-ils/elles une augmentation de leurs impôts ?

Non à la sous-enchère fiscale entre les cantons

La RFFA va favoriser la sous-enchère fiscale entre les cantons.  En effet, quelques cantons (ZG, VD, BS, GE) bénéficiant de nombreuses entreprises à statut spécial pourront compenser les baisses d’impôt par de nouvelles recettes. Par contre tous les cantons qui n’ont que très peu de sociétés à statut spécial vont essayer de rivaliser en diminuant également l’impôt sur le bénéfice des personnes morales, mais ne pourront pas compter sur des nouvelles recettes. Ainsi, on va assister à une sous-enchère fiscale des taux d’imposition sur le bénéfice entre les cantons qui immanquablement va engendrer des coupes drastiques dans le service public des cantons dits pauvres si ces derniers veulent rester compétitifs fiscalement. De plus chaque canton est libre d’appliquer les nouveaux outils d’optimisation fiscale mis à disposition dans la RFFA (patent box, step-up) ce qui va encore aggraver les inégalités entre les cantons.

Il faut également relever que la péréquation financière intercantonale va subir des modifications (la suppression des statuts fiscaux cantonaux entraînera la suppression de la pondération spécifique qui s’y rattache). Pour permettre aux cantons dits pauvres de supporter ces modifications, la Confédération versera temporairement (pendant 7ans) un montant à ces derniers afin qu’ils puissent digérer les changements apportés ! mais après 7 ans que se passera-t-il ?

Non à l’évasion fiscale au détriment des pays en voie de développement

Pour les Verts, il est primordial d’imposer les bénéfices là où ils ont été créés. Or, les bénéfices étrangers seront toujours déplacés en Suisse car le taux d’imposition très bas et les différents allègements fiscaux cantonaux (step up, patent box) attireront ces fonds. Il s’agit là d’un pur moyen d’évasion fiscal et une nouvelle tentative de la part de la Suisse de capter le substrat fiscal des entreprises d’autres pays.

En soustrayant aux pays en voie de développement des milliards de revenus fiscaux, nous les privons de recettes fiscales nécessaires à leur développement et à leur population. En effet, le fait d’être domicilié en Suisse offre aux multinationales la possibilité de reverser des dividendes élevés et exemptés d’impôt à leur direction et leurs actionnaires.

Non à un cadeau fiscal aux grandes entreprises et à leurs actionnaires financé par le contribuable ou par un démantèlement du service public

Les grandes entreprises suisses, qui jusqu’à aujourd’hui ne bénéficiaient d’aucun privilège et se satisfaisaient de leur situation fiscale, verront leur facture fiscale diminuer de 4,8 milliards, ceci non seulement à cause des baisses prévues dans les cantons et les communes de l’impôt sur le capital et sur le bénéfice, mais aussi grâce à de nouveaux outils d’optimisation fiscale dont bénéficieront toutes les entreprises. Les entreprises à statut spécial, quant à elles, contribueront davantage car les statuts privilégiés seront abolis. La facture finale se soldera ainsi avec des pertes fiscales de 2,1 milliards au moins Pour financer ces pertes, la Confédération va relever la part cantonale à l’IFD de 1 milliard. Cette mesure procurera aux cantons une marge de manœuvre leur permettant d’abaisser leur impôt sur le bénéfice afin de rester concurrentiels. Mais pour le 1,1 milliard manquant ? Faut-il s’attendre à une augmentation des impôts des citoyens ou à un démantèlement des prestations du service public ? Personne ne peut aujourd’hui dire comment cela sera financé !

Un calendrier qui laisse le temps de préparer un nouveau projet de réforme

En 6 mois la RFFA a été élaborée par le Parlement, alors que nous avons jusqu’en 2021 pour répondre aux exigences internationales et crée une fiscalité des entreprises qui ne plombe pas les caisses de la Confédération, des cantons et des communes.

Les Valaisannes et Valaisans ont particulièrement intérêt à refuser ce paquet

Le Valais est le canton qui tire le moins de recettes fiscales des statuts spéciaux et il ne profitera donc pas de l’augmentation du taux d’imposition de ces entreprises : le contribuable valaisan va donc passer à la caisse pour permettre à Bâle Ville, Zoug, Genève ou Vaud de continuer d’offrir des conditions fiscales avantageuses aux entreprises multinationales que ces cantons ont agressivement démarché. Le projet de réforme fiscale cantonale que le canton entend mettre en œuvre une fois la RFFA adoptée au niveau national fera perdre chaque année des dizaines de millions au canton et aux communes (61,5 millions pour le canton pour les années 2020-2022, 32,2 pour les communes).

L’exemple du canton de Vaud, qui a déjà introduit sa réforme fiscale, montre que les villes sont dans de grandes difficultés financières (par ex. Nyon, Rolle ou Lausanne). Ce sera la même chose en Valais. Pour Sion par ex., la perte est estimée à 4 à 5 millions de francs par année, soit environ 20% de la marge d’autofinancement. Cela représente le budget que la ville consacre annuellement aux crèches-nurseries et unités d’accueil pour la petite enfance (4,5 millions) et plus que ce que coûtent annuellement à la ville les bus sédunois, l’aide aux institutions culturelles, la police municipale (trois secteurs autour de 3,5 millions) ou l’entretien des bâtiments scolaires (2,2 millions). Soit la ville devra augmenter sa fiscalité pour les personnes physiques, soit elle devra limiter ses subventions (aux manifestations, aux associations culturelles et sportives, aux crèches et UAPE, à l’OT, etc.) ou/et augmenter ses recettes (par ex. augmentation des tarifs pour la piscine, la patinoire, les bus sédunois, les crèches, etc.).

Conclusion

Dire non à la RFFA, c’est dire non à la sous-enchère fiscale qui met à mal les caisses publiques et ne permet plus d’assurer le service public.

Dire non à la RFFA c’est exiger que soit élaboré un véritable contre-financement des pertes fiscales, compensé par les entreprises et les actionnaires bénéficiaires de cette réforme fiscale.

Dire Non à la RFFA c’est séparer le volet fiscal du volet social et ainsi permettre aux citoyens de se prononcer soit sur l’AVS soit sur la réforme fiscale des entreprises et non sur les 2 en même temps.