Une initiative inutile et absurde

Le 27 septembre 2020 le peuple suisse refusait la révision de la Loi sur la chasse, soucieux d’une meilleure conservation de la biodiversité. Le 15 juillet 2021 entrait en vigueur l’Ordonnance sur la chasse révisée, en accord avec les organisations de  protection de la nature. Cette ordonnance suit largement la volonté des initiants au niveau fédéral en proposant de meilleurs instruments pour la cohabitation entre loup et élevage. Une meute de loups peut ainsi être régulée dès lors que 10 moutons ou chèvres ont été tués (15 dans l’ordonnance précédente), à condition que des mesures de protection aient été prises. De plus, la Confédération a renforcé l’aide à la protection des troupeaux.

Déposer une initiative qui de l’aveu même du Conseil d’Etat valaisan « ne changerait pas grand-chose à la situation d’aujourd’hui puisque les exigences de l’initiative sont déjà largement appliquées » montre que son but est uniquement polémique. Le canton ne dispose que d’une très faible marge de manœuvre pour édicter un concept cantonal en matière de grands prédateurs.

Cette initiative n’est qu’une gesticulation électoraliste qui n’aide aucunement les éleveurs et offre une image négative de notre canton. Elle est une réelle perte de temps, d’énergie et d’argent, aux frais du contribuable valaisan. Relevons également que son parcours est entaché de nombreux vices de forme et de procédures (erreur de traduction, texte déclaré irrecevable et modification après le dépôt des signatures). Aujourd’hui, le titre s’avère mensonger par rapport au contenu du texte et induit la population en erreur. De plus, la liste des espèces considérées comme des « grands prédateurs » n’est pas arrêtée et peut comprendre des animaux rares et emblématiques comme l’aigle royal.

Offrons de vraies mesures efficaces de cohabitation !

L’initiative n’amène aucune solution aux personnes à qui elle promet tant : les éleveurs. Elle ne prévoit aucun soutien concret (que ce soit sur le terrain, financièrement ou administrativement) et démontre une incapacité totale à proposer de vraies réponses.

La « solution » du tir n’a rien de durable, au vu des effectifs de loups dans les pays limitrophes et de leur forte capacité de colonisation. La gestion du loup est multifactorielle et la recherche de solutions doit prendre en compte un grand nombre de paramètres : la protection des troupeaux, un accès facilité aux indemnisations lors d’attaques et une meilleure couverture des subventions. Une présence humaine et de chiens de protection renforcée sur les estives et une sensibilisation accrue du public aux comportements à adopter sont également des éléments importants pour permettre aux éleveurs de faire leur métier. L’aide de civilistes et l’installation de cabanes sont aussi des solutions à encourager. Le tir occasionnel de loups posant des problèmes récurrents fait partie des options que nous acceptons ; nous refusons par contre toute extermination des grands prédateurs, qui font partie du patrimoine naturel et historique du Valais.

Le rôle bénéfique des grands prédateurs

À l’heure où nous traversons une grave crise de la biodiversité et malgré le fait que nous connaissions le rôle fondamental que jouent les grands prédateurs dans le fonctionnement des écosystèmes, il est effarant de constater qu’une telle initiative puisse être soumise à votation.

L’expansion naturelle du loup en Europe signifie que nous avons réussi à améliorer nos conditions environnementales, en particulier le rétablissement des populations d’ongulés (environ 50’000 cerfs, chamois, bouquetins, chevreuils et sangliers vivent aujourd’hui en Valais). Cela doit être vu comme une grande réussite. Les animaux de rente ne constituent qu’une infime partie des ressources alimentaires des grands prédateurs.

Sans régulation par des prédateurs, les populations de proies augmentent, induisant des effets négatifs sur leur habitat, impactant les autres espèces qui y vivent et finalement l’espèce-proie elle-même. La présence de loups et de lynx régule et disperse les ongulés, permettant à la forêt de se renouveler et de garantir ses fonctions de protection contre les glissements de terrain, les chutes de pierres et les avalanches. Les prédateurs éliminent aussi les individus malades ou génétiquement moins bien dotés. Les restes des proies tuées profitent aux charognards et aux décomposeurs. La présence de prédateurs est donc essentielle à la préservation de la biodiversité sur le long terme.

Relevons encore que l’adaptation du pastoralisme à la présence du loup permet une gestion de la pâture ovine plus favorable à la biodiversité. Sans gardiennage, les moutons montent en altitude et peuvent occasionner des dégâts à la flore alpine sensible et transmettre des maladies à la faune sauvage.

Un flou juridique dangereux

L’initiative est hautement problématique du point de vue juridique. Contraire au droit fédéral, elle n’aura, comme le souligne le Conseil d’Etat lui-même, aucune incidence quant à la gestion des grands prédateurs en Valais. Cela étant, un élément de l’initiative est d’autant plus problématique qu’il pourrait avoir, lui, un effet en pratique. En effet, l’initiative interdit la « promotion de la population des grands prédateurs ».

Le terme « promotion » est une notion juridique indéterminée. Il n’en existe pas, à ce jour, une définition légale ou jurisprudentielle. En d’autres termes, elle sera sujette à interprétation, et ce tant qu’un juge n’aura pas tranché définitivement cette question. Si l’on entend, par « promouvoir » le fait de prendre des mesures pour « protéger » les grands prédateurs, son interdiction contrevient au droit fédéral (qui protège certains grands prédateurs, dont le loup) et aux engagements internationaux de la Suisse. Une telle interprétation rendrait donc cette partie du texte de l’initiative inapplicable, car contraire au droit supérieur.

Cela étant, l’interdiction visée par l’initiative peut avoir une portée bien plus large. Le simple fait de soutenir un programme scientifique sur les grands prédateurs (comme le fait le zoo des Marécottes !) ou même seulement de faire une déclaration publique, d’écrire un article ou d’effectuer un travail de recherche sur ce thème suffirait à être constitutif d’une « promotion ».

S’exprimer oralement en faveur du loup, de l’ours, du lynx, deviendrait donc répréhensible… Or, la liberté d’expression et la liberté de la presse forment le socle de notre démocratie. Ces droits fondamentaux sont protégés par la Convention européenne des droits de l’homme, par la Constitution suisse et également par la Constitution du Valais. L’initiative, en interdisant toute « promotion » des populations de grands prédateurs, met en péril ces garanties fondamentales.

Le Canton du Valais veut-il vraiment s’engager sur cette voie ?

Contact:

Jérémy Savioz, coordinateur du Comité de campagne, Tél. 078 607 44 46, courriel jeremy.savioz@pronatura.ch;

Pour plus d’informations:

www.faune-sauvage.ch / www.wildtiere-vs.ch